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Dominique Fortier

Anémique « académique »

bagage-intellectuel-livres-ecole

Le sens de l’adjectif académique est passablement galvaudé au Québec.

bagage-intellectuel-livres-ecoleLe français lui attribue toutefois deux sens parfaitement corrects. Ce mot signifie d’abord « qui se rapporte à une académie, soit une division administrative dans le domaine de l’enseignement, un établissement où l’on enseigne les arts et le sport ou une société littéraire ou scientifique ». Ainsi, il est exact de dire que notre Dany Laferrière « national » occupe un fauteuil académique, c’est-à-dire qu’il siège à l’Académie française.

Ensuite, au sens figuré, avec une connotation péjorative, il signifie « conventionnel, formel ». Ainsi peut-on qualifier le style d’un peintre d’académique, c’est-à-dire qu’il n’est pas vraiment original, qu’il est guindé, qu’il « sent trop l’école ».

Là où les choses se gâtent, au Québec, c’est dans le monde de l’éducation, où l’adjectif académique dans le sens de « scolaire » ou de « pédagogique » est pratiquement endémique. Cela provient de notre proximité avec l’anglais, dont l’usage plus large qui est fait du mot academic conduit à des emplois fautifs de cet adjectif en français.

Divers adjectifs remplaceront adéquatement cet anglicisme sémantique (souvent faux ami ou calque) selon le contexte.

Ainsi, au lieu de déclarer que l’année académique — sous l’influence d’« academic year » — se termine le 22 juin, on dira plutôt que l’année scolaire (ou universitaire) se termine le 22 juin.

diplome-universitaireOn entend aussi très souvent qu’une étudiante ou un étudiant possède un bon bagage académique ou une bonne formation académique — sous l’influence d’« academic training » —, alors qu’il faudrait plutôt dire qu’une étudiante ou un étudiant possède une bonne formation générale (ou collégiale ou universitaire). Le français dispose de plusieurs mots pour rendre cette notion. Très près de cette idée de « bagage », on trouve le savoir académique, anglicisme dans le sens de « formation scolaire, universitaire ». Il en va de même de l’expression dossier académique — calque d’« academic record » —, qui devrait se dire dossier scolaire. Puis, à la fin de leurs études, nos étudiantes et étudiants se verront décerner un diplôme universitaire, ce qui, entre nous, vaudra beaucoup plus qu’un degré académique, traduction littérale d’« academic degree ».

Aussi, une ou un spécialiste qui désire rédiger un article sur un sujet particulier peut consulter de nombreux ouvrages didactiques (et non de nombreux ouvrages académiques). Et, une fois publié, cet article risque de provoquer un intense débat théorique (et non académique) entre experts. Ici, pour trouver les bons termes français, il faut travailler un peu plus, car le mot académique vient presque instinctivement.

Et comme si ce n’était pas assez, sur le plan académique sur le plan des études, de la formation, les profs revendiquent la liberté de l’enseignement (et non la liberté académique, calque d’« academic freedom ») pour enseigner leurs matières académiques scolaires (calque d’« academic matter »).

On le voit, l’adjectif académique, même dans le monde de l’éducation, au Québec, où cet anglicisme devrait être connu et reconnu et, de ce fait, corrigé, est employé à grande échelle. Il vient presque naturellement aux lèvres. Il faut toutefois en prendre conscience et le remplacer par l’équivalent adéquat en français.

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