Le verbe adresser, en français, signifie « envoyer » (on adresse une lettre à quelqu’un) ou « émettre des paroles » (on adresse des critiques, des compliments, la parole à quelqu’un). Adresser signifie aussi « diriger quelqu’un vers la personne qui convient » (on adresse un malade à un spécialiste).
L’expression pronominale s’adresser à quelqu’un signifie, pour sa part, « parler à quelqu’un » ou « être destiné à quelqu’un » (dans le sens de « concerner quelqu’un »). On dit par exemple le président s’adressera aux électeurs (il prendra la parole devant eux) et cette recommandation ne s’adresse pas à vous (autrement dit, elle ne vous concerne pas). À ce sujet, voici ce que le Multi mentionne à l’article « Adresser » : « À la forme pronominale, le complément du verbe est une personne. S’il s’agit d’une chose, d’un concept, on emploie les verbes concerner, porter sur. Une réflexion qui concerne (et non s’adresse à) la morale. »
Et pourtant, dans la photo ci-contre, le ministre Barrette réussit à s’adresser à une chose (la chose étant le fait de juger anormal le comportement des médecins « vaccineurs » [raccourci inventé pour décrire les médecins qui réclament à la Régie de l’assurance maladie du Québec des sommes faramineuses pour participer à des séances de vaccination sans que leur présence soit requise]). S’adresser à une chose, c’est comme parler au mur : on est certain de ne pas être compris. Le ministre aurait pu simplement dire qu’il allait s’attaquer au problème [que représente le comportement de ces médecins] ou s’occuper du problème, régler le problème ou encore remédier à la situation, corriger cette situation.
Ce charabia provient du transfert littéral en français d’une combinaison de deux sens (to address an issue [d’où le adresser un problème] et to address oneself to a task [d’où le s’adresser à une chose, à une tâche]) que le verbe anglais to address possède, mais que le verbe français adresser, lui, ne possède pas.
Ainsi, pour traduire l’expression anglaise to address an issue, il ne faut pas dire adresser un problème, mais aborder un problème, s’attaquer à un problème, s’occuper d’un problème, voir à un problème, le prendre en main (ou, comme dans l’exemple ci-contre, signaler le problème). On ne dira pas non plus, pour rendre l’expression to address oneself to a task, s’adresser à une tâche, mais plutôt s’attaquer à une tâche, s’atteler à une tâche (par exemple s’atteler à la tâche de calmer l’appétit des médecins « vaccineurs », se mettre à cette tâche).
Ces anglicismes (faux amis et calques) sont autant de pièges à éviter dans l’usage quotidien que l’on fait du français. Pour en savoir plus sur les nombreuses manières de rendre les termes address et issue dans différents contextes français, consulter le Lexique analogique (cliquer sur le bouton Index anglais) du Bureau de la traduction, un outil précieux.
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Sources
OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE. « Adresser », Banque de dépannage linguistique, [En ligne], 2002. [bdl.oqlf.gouv.qc.ca].
VILLERS, Marie-Éva de. « Adresser », Multidictionnaire de la langue française, 5e éd., [cédérom], Montréal, Québec Amérique, 2009.
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