Oui, docteur, je l’avoue : je corrige tout ce qui me passe sous les yeux. Mais pour ma défense, je crois que je ne suis pas le seul.
Êtes-vous un peu comme ça, vous aussi ?
Je m’en veux de ne pas pouvoir faire preuve de plus de détachement, mais c’est plus fort que moi. Je lis par exemple le texte d’une boîte de céréales d’un œil distrait, et voilà qu’une coquille me saute au visage, qu’une tournure malheureuse m’agresse, qu’une mauvaise traduction me fait presque m’étouffer. Si un crayon traîne à ma portée, me voilà à faire des ratures dans la liste d’ingrédients…
Je suis irrité. Quoi ? On ose faire entrer chez moi des textes mal écrits ? « Ils » auront de mes nouvelles !
Le bol de céréales abandonné sur la table, me voilà déjà à mon ordinateur en train d’écrire à l’entreprise responsable, lui mettant sous le nez ses erreurs comme à un chiot auquel on veut apprendre à ne pas faire pipi partout. C’est efficace ? Honnêtement, je ne crois pas. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Sauf que la lutte est infinie, et qu’il n’y a vraiment pas que les boîtes de céréales. Les erreurs sont partout : sur les dépliants, les sites Web, les emballages de produits, les étiquettes de vêtements, les…
… les livres.
L’autre jour, j’ai écrit aux éditions Gallimard parce que dans l’édition Folio d’Anna Karénine que je lisais, le texte était — littéralement — tout croche. Ici, il n’était pas question d’erreurs, mais plutôt du procédé de reproduction du texte, qui faisait en sorte que les lettres ondulaient, que les « o » avaient l’air de jelly beans. Disons que le confort de lecture n’était pas assuré.
Car une boîte de céréales passe encore, mais un livre ! Gallimard m’a répondu gentiment en m’expliquant les raisons de ce problème et en espérant que je continuerais à acheter leurs livres. (Évidemment !)
Oui, quand c’est un livre, ça me touche vraiment. J’en ai vu récemment un exemple malheureux dans le très joli Cosmos du père Benoît Lacroix, un homme pour qui j’ai la plus haute estime. J’avais trouvé ce livre, qui mêle souvenir d’enfance et illustrations, tiré à très peu d’exemplaires, dans une librairie d’occasion : j’avais l’impression d’être tombé sur un petit trésor. Sauf que dès les premières pages, j’y ai trouvé une faute minuscule, mais assez grave : le nom d’un personnage était écrit de deux manières différentes. Bon, cette fois-là, je n’ai pas écrit à l’éditeur, mais je me sentais comme si j’avais trouvé un cheveu dans mon croissant.
Le pire exemple que j’ai vu, cependant, c’est dans un ouvrage intitulé Photojournalisme, reçu à mon anniversaire l’an dernier. Un livre anglais-allemand-français (fascinant au demeurant) dans lequel j’ai relevé de très nombreuses erreurs de tous genres : coquilles, mauvaises traductions, erreurs de sens, données non vérifiées. Là, je l’avoue, j’ai éprouvé un vif plaisir à débusquer toutes les errances de l’éditeur Ullmann… et à les lui signaler ! Pas de réponse de côté, mais le sentiment du devoir accompli.
Ou alors d’être devenu un peu fou ? Car tout ce travail, je sais bien, c’est du temps perdu. Mais je l’ai dit, j’ai un problème… presque une maladie.
Ça se soigne, docteur ?
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